Paul Eluard : poète de la résistance auteur du magnifique poème Liberté et ici : " La dernière nuit "
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Avec un père comptable aux affaires prospères, le jeune Eugène Grindel multiplie les voyages et étudie dans des établissements de renom. Lorsque sa santé se fait précaire, il rallie le sanatorium de Davos, où il fait la rencontre de Helena Dimitrievnia Diakonova, dite Gala, qui deviendra son épouse. Source d'inspiration intarissable, Eugène Grindel compose alors ses premiers poèmes.
Il emprunte dès lors le nom de sa grand-mère maternelle, s'appelant désormais Paul Eluard, un nom plus évocateur, semble-t-il. C'est alors que les rencontres foisonnent : Breton, Aragon, Ernst, Man Ray, Magritte… S'ensuit l'adhésion au mouvement artistique dadaïste avant que ne vienne le temps du surréalisme, mouvement artistique initié en compagnie de son ami André Breton.
Paul Eluard se voue à une lutte inlassable contre le conformisme, donne naissance à quelques jeux de langage, milite surtout. Chantre et activiste de la Résistance, compagnon de route du Part Communiste Français, il ne cessera par la suite de s’engager dans des causes sociales.
Ses oeuvres fascinent, teintées d'amour et de souffrance, le tout bercé par des images énigmatiques.
Lorsque Gala le quitte pour Dali, la rupture lui est douloureuse. Mais le poète s’évertue à utiliser ses déboires amoureux pour parfaire son art et s’adonner de plus belle à la poésie. Artiste majeur, les poèmes de Paul Eluard sont considérés comme de véritables chefs-d'oeuvre, et, notamment:
LIBERTE:
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Le poème est publié le 3 avril 1942, sans visa de censure dans le recueil clandestin : Poésie et vérité 1942.
Il est repris en juin 1942 par la revue Fontaine sous le titre Une seule pensée pour lui permettre une diffusion dans la zone sud.
Il est à nouveau repris à Londres par la revue officielle gaulliste La France libre et parachuté la même année à des milliers d'exemplaires par des avions britanniques de la Royal Air Force au-dessus du sol français. Le recueil est réédité en janvier 1943 en Suisse.
À partir de 1945, Poésie et vérité 1942 est intégré dans Le Rendez-vous allemand.
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffées d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes raisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre S
ur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
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LA DERNIERE NUIT
(Fragment)
Ce petit monde meurtrier
Est orienté vers l'innocent
Lui ôte le pain de la bouche
Et donne sa maison au feu
Lui prend sa veste et ses souliers
Lui prend son temps et ses enfants
Ce petit monde meurtrier
Confond les morts et les vivants
Blanchit la boue gracie les traîtres
Transforme la parole en bruit
Merci miuit douze fusils
Rendent la paix à l'innocent
Et c'est aux foules d'enterrer
Sa chair sanglante et son ciel noir
Et c'est aux foules de comprendre
La faiblesses des meurtriers.
Paul Eluard 1942