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Poètes et résistants
13 mars 2013

Jacques DECOUR Co-Fondateur des "Lettres Françaises" écrivain, résistant fusillé à 32 ans au Mont Valérien.

Decour

JACQUES DECOUR

Jacques Decour, nom de résistant de Daniel Decourdemanche, est un écrivain et résistant français, né le 21 février 1910 à Paris, mort pour la France fusillé par les nazis le 30 mai 1942 au fort du Mont-Valérien.

Jacques Decour fait ses études à Paris au lycée Carnot, où il reste 6 ans, puis au lycée Pasteur de Neuilly. Il commence des études de droit, mais, après quelques années, change d'orientation : il étudie la littérature allemande et devient, en 1932, le plus jeune agrégé d'allemand de France.

En 1930, il publie son premier roman, Le Sage et le Caporal chez Gallimard. Il est nommé, en 1931, professeur de français en Prusse au lycée de Magdebourg. Là, il écrit Philisterburg, qui décrit les risques que représentent la montée du nationalisme et « le mythe inadmissible de la race ». Ce livre, publié en 1932, fait scandale en France où l'opinion publique refuse de prendre en compte les signes menaçants provenant d'Allemagne.

Il est ensuite nommé au lycée de Reims et adhère au mouvement des jeunesses communistes. Il part ensuite à Tours où il entre au Parti communiste.

En 1937, il devient professeur d’allemand à Paris au lycée Rollin (lycée qui, à la Libération, deviendra le lycée Jacques-Decour en son hommage). La même année, il devient rédacteur en chef de la revue Commune, éditée par l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires, dont le directeur est Louis Aragon. À la démobilisation, il rentre dans la Résistance en créant deux revues L'université libre en 1940 et La Pensée libre en 1941 qui sera la plus importante publication de la France occupée.

En 1941, Decour devient le responsable du Comité national des écrivains qui projette la publication d’une nouvelle revue, les Lettres françaises  qu'il ne verra pas paraitre, puisque le 17 février 1942, Decour est arrêté par la police française. Remis aux Allemands, il est fusillé le 30 mai 1942, une semaine après Georges Politzer et Solomon, il avait 32 ans. En prison, dans l'attente de son exécution, il écrit une lettre à sa famille particulièrement touchante, message d'adieu d'un condamné à ceux qu'il aime. Tout en sachant sa mort prochaine et inéluctable, il y exprime sa confiance dans la jeunesse, persuadé que son sacrifice ne sera pas vain.(voir ci-dessous)

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Publications

  • Le Sage et le Caporal, Gallimard, Paris, 1930 ; réédition Farrago, Tours, 2002 (Le Sage et le Caporal suivi de Les Pères et de sept nouvelles inédites).

  • Philisterburg, Gallimard, Paris, 1932 ; réédition Farrago, Tours, 2003.

  • La Révolte, article de La Nouvelle Revue française, no 246, mars 1934, repris dans Comme je vous en donne l'exemple... et dans Le Sage et le Caporal suivi de Les Pères et de sept nouvelles inédites, Farrago, 2002.

  • Les Pères, Gallimard, 1936 ; réédition Farrago, Tours, 2002 ; (Le Sage et le Caporal suivi de Les Pères et de sept nouvelles inédites).

  • Pages choisies de Jacques Decour, les Éditions de Minuit, Paris, 20 février 1944 (publié dans la clandestinité pour le Comité national des écrivains), préface non signée de Jean Paulhan.

  • Comme je vous en donne l'exemple..., textes de Jacques Decour présentés par Aragon, Éditions sociales, Paris, 1945 ; réédition Les Éditeurs français réunis, 1974.

  • Nos jeunes morts sont secrets. Littérature et résistance, Éditions Farrago, 2003.

  • La Faune de la collaboration. Articles 1932-1942, Éditions La Thébaïde, 2012

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La " dernière lettre " Madame et Monsieur Decourdemanche, 8, rue de Monceau Paris Samedi 30 mai 6 h 45.

 

Mes chers parents, Vous attendez depuis bien longtemps une lettre de moi, vous ne pensiez pas recevoir celle ci. Moi aussi, j'espérais bien ne pas vous faire ce chagrin. Dites vous bien que je suis resté jusqu'au bout digne de vous, de notre pays que nous aimons.

Voyez vous, j'aurais très bien pu mourir à la guerre, ou bien même dans le bombardement de cette nuit. Aussi je ne regrette pas d'avoir donné un sens à cette fin. Vous savez bien que je n'ai commis aucun crime, vous n'avez pas à rougir de moi : j'ai cru faire mon devoir de Français.

Je ne pense pas que ma mort soit une catastrophe; songez qu'en ce moment des milliers de soldats de tous les pays meurent chaque jour, entraînés dans un grand vent qui m'emporte aussi. Vous savez que je m'attendais depuis deux mois à ce qui m'arrive ce matin, aussi ai je eu le temps de m'y préparer; mais comme je n'ai pas de religion, je n'ai pas sombré dans la méditation de la mort : je me considère un peu comme une feuille qui tombe de l'arbre pour faire du terreau la qualité du terreau dépendra de celle des feuilles je veux parler de la jeunesse française, en qui je mets tout mon espoir.

Mes parents chéris, je serai sans doute à Suresnes; vous pourrez, si vous le désirez, demander mon transfert à Montmartre. Il faut me pardonner de vous faire ce chagrin. Mon seul souci depuis trois mois a été votre inquiétude; en ce moment, c'est de vous laisser ainsi sans votre fils, qui vous a causé plus de peines que de joies. Voyez vous, il est content tout de même de la vie qu'il a vécue, qui a été bien belle.

Et maintenant voici quelques commissions. J'ai pu écrire un mot à celle que j'aime. Si vous la voyez, bientôt j'espère, donnez lui votre affection, c'est mon voeu le plus cher. Je voudrais bien aussi que vous puissiez vous occuper de ses parents qui sont bien en peine. Excusez moi auprès d'eux de les abandonner ainsi; je me console en pensant que vous tiendrez à remplacer un peu leur " ange gardien ". Donnez leur des choses qui sont chez moi et appartiennent à leur fille : les volumes de la Pléiade, les Fables de la Fontaine, Tristan, les 4 Saisons, les petits poussins, les deux aquarelles (Vernon et Issoire), la suite des 4 pavés du roy. Je voudrais que mon ami Michel ait mes affaires personnelles (stylo, porte mine, portefeuilles, montre et briquet).

JACQUES DECOUR

Embrassez les tous les trois pour moi. J'ai beaucoup imaginé ces derniers temps les bons repas que nous ferions quand je serais libéré... Vous les ferez sans moi, en famille, mais pas tristement, je vous en prie.

Je ne veux pas que votre pensée s'arrête aux belles choses qui auraient pu arriver, mais à toutes celles que nous avons réellement vécues. J'ai refait pendant ces deux mois d'isolement, sans lecture, tous mes voyages, toutes mes expériences, tous mes repas; j'ai même fait un plan de roman.

Votre pensée ne m'a pas quitté, et je souhaitais de tout mon coeur que vous ayez, s'il le fallait, beaucoup de patience et de courage, surtout pas de rancoeur. Dites toute mon affection à mes soeurs, à l'infatigable Denise qui s'est tant dévouée pour moi, et à la jolie maman de Michel et de Jean Denis. J'ai fait un excellent dîner avec Sylvain le 17 février, j'y ai souvent pensé avec plaisir aussi bien qu'au fameux repas de réveillon chez Pierre et Renée. C'est que les questions alimentaires avaient pris de l'importance !

Dites à Sylvain et Pierre toute mon affection, et aussi à Jean Bailly, mon meilleur camarade, que je le remercie bien de tous les bons moments que j'aurai passés avec lui. Si j'étais allé chez lui le soir du 17, j'aurais fini tout de même par arriver ici, il n'y a donc pas de regret.

Je vais écrire un mot pour Brigitte à la fin de cette lettre, vous le lui recopierez. Dieu sait si j'ai pensé à elle! Elle n'a pas vu son papa depuis deux ans... Si vous en avez l'occasion, faites dire à mes élèves de 1ère, par mon remplaçant, que j'ai bien pensé à la dernière scène d'Egmont, et à la lettre de Th. Körner à son père sous toute réserve de modestie...

Toutes mes amitiés à mes collègues et à l'ami pour qui j'ai traduit Goethe sans trahir! Il est 8 heures, il va être temps de partir. J'ai mangé, fumé, bu du café. Je ne vois plus d'affaires à régler. Si : il y a chez Mme Politzer, 170 bis, rue de Grenelle, des objets qui m'appartiennent (livres, notamment ceux du lycée, phono, etc.) Tâchez de les récupérer. Il y a aussi votre Mémorial de Ste Hélène. Mes parents chéris, je vous embrasse de tout mon coeur. je suis près de vous et je sais que votre pensée ne me quitte pas.

Votre Daniel Ma petite Brigitte chérie Ton papa ne t'a pas beaucoup vue depuis quelque temps mais il a bien pensé à toi. Dis à ta maman que je lui fais confiance pour faire de toi une fille forte, ferme, gaie, bien solide sur ses deux bonnes jambes. Travaille bien et tâche de devenir une bonne pianiste. Songe souvent à ton grand ami de papa et à toutes les bonnes parties que nous avons faites ensemble. je t'embrasse de tout mon coeur comme je t'aime et j'embrasse ta maman.

Ton Daniel

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Pierre Favre : Jacques Decour, l'oublié des...Les Lettres françaises

 

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Les Lettres Françaises

Les Lettres françaises sont une publication littéraire créée en France, en 1941, pendant l'Occupation par Jacques Decour et Jean Paulhan. C'est l'une des nombreuses publications du mouvement de résistance Front national (rien à voir avec le Parti fasciste de Le Pen, bien au contraire!).

Il s'agit alors d'une publication clandestine qui bénéficie entre autres de la collaboration de Louis Aragon, François Mauriac, Claude Morgan, Edith Thomas, Georges Limbour, Raymond Queneau et Jean Lescure.

Après la Libération et jusqu'en 1972, Les Lettres françaises, dirigées par Louis Aragon, bénéficient du soutien financier du PCF.

 

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  • Souvent, la plume a remplacé l'épée! Dans de nombreux pays, des vers chantés ou non ont soulevé des foules! Dans l'ombre parfois, les poèmes furent et sont encore une manière de résister à l'occupation, à la répression à toutes les formes d'oppression.
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