Boulevard Aragon - Isabelle Aubret
Louis Aragon est un écrivain, romancier et poète français né en 1897. Après avoir participé au mouvement dada, il devient l’un des principaux créateurs du mouvement surréaliste avec d’autres poètes comme André Breton ou Paul Éluard. C’est aussi à ce moment qu’il rejoint le Parti communiste français. Aragon, quelques années plus tard, s’éloignera du soutien porté à l’URSS à la suite de la révélation des crimes du stalinisme.
Sa poésie est inspirée par l’amour qu’il voue à son épouse, Elsa Triolet, elle même écrivain importante du début du 20ème siècle. Aragon portera toute sa vie la blessure de n’avoir pas été reconnu par son père, Louis Andrieux, sa mère le faisant passer pour son parrain.
Aragon, c’est aussi le poète de la résistance au nazisme, au même titre que Robert Desnos, Paul Eluard, Jean Prévost ou Jean-Pierre Rosnay.
C’est à la mort d’Elsa Triolet qu’en 1970, qu’Aragon affiche son homosexualité. Roger Nimier disait à ce propos : « C’est le seul homme capable d’assister à une réunion du Comité Central du PCF en smoking rose ». Louis Aragon meurt le 24 décembre 1982. Il est inhumé dans le parc du Moulin de Villeneuve aux côtés d’Elsa Triolet.
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La rose et le réséda
Poème dédié à Gabriel Péri et d'Estienne d'Orves comme à Guy Môcquet et Gilbert Dru
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon, 1944
Poème classé dans Guerre, Louis Aragon.